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De médecin à travailleur de soutien

Étant moi-même une immigrée, je connais les difficultés et les obstacles à surmonter lorsque l’on s’établit ailleurs. Dans cette chronique, vous aurez la chance de connaître une partie de l’histoire de quelques immigrants en lien avec leur transition de carrière.

 

Aujourd’hui, nous nous entretenons avec Paulo Costa, médecin psychiatre dans son pays d’origine. Il savait qu’il allait probablement devoir se résoudre à laisser sa profession pour immigrer au Canada.

– Clarissa

C’est en effet une réalité pour plusieurs médecins qui décident d’immigrer au Canada, de se faire dépouiller de leur statut professionnel. Après avoir fréquenté l’université pendant plusieurs années, reçu leur diplôme et pratiqué à titre de médecins généralistes ou dans une spécialité, ils sont confrontés à un long processus de validation de diplômes avant de pouvoir exercer leur profession. Cette procédure peut même les empêcher de pratiquer la médecine ici. « En fait, seulement 55 % des diplômés provenant de l’étranger travaillent comme médecin.¹ »

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Nom

Pays d’origine

Langue maternelle

Autres langues

Profession de départ

Résidence actuelle

Date d’arrivée

Emploi actuel

Paulo Costa

Brésil

portugais

anglais et espagnol (maîtrisés) et français (intermédiaire)

médecin psychiatre

Winnipeg, Manitoba, Canada

avril 2016

travailleur de soutien auprès des itinérants

Quel est le niveau de scolarité le plus élevé que vous ayez atteint?

Au Brésil j'ai obtenu un doctorat en médecine, j’ai vérifié mon équivalence² ici au Canada et cela correspond aussi à un doctorat. J’ai aussi acquis plusieurs spécialisations : psychiatrie, médecine du travail et médecine traditionnelle chinoise, ainsi qu’une maîtrise en santé mentale.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter votre pays?

J’étais fatigué des problèmes systémiques qui perdurent au Brésil, entre autres l’instabilité politique qui affecte la situation économique. Je désirais donc vivre dans un pays où l'économie était plus stable, où il n'y avait pas autant de hauts et de bas comme au Brésil. 


Pourquoi avez-vous choisi le Manitoba?

L'économie canadienne est bien plus stable que celle du Brésil et c’est pourquoi j’ai choisi comme pays le Canada afin de : vivre, travailler, devenir résident permanent et ensuite citoyen. Lorsque j’ai commencé à me renseigner au sujet de l’immigration au Canada, il y a environ sept ans, j’ai appris que le Manitoba était une bonne porte d’entrée. Tout est relatif et immigrer n'est jamais facile, mais on n’y requérait que six mois de travail à temps plein alors que dans toutes les autres provinces du Canada, on exigeait une année d’expérience de travail avant de pouvoir participer au processus provincial d’immigration. 

Qu’est-ce que vous aimez le plus ici?

Ce que j'aime le plus au Manitoba, c'est le comportement amical des gens. Les Manitobains sont accueillants et de bonne compagnie. 

Dans quelle catégorie se situe votre statut d'emploi actuel?³

Je suis employé à temps plein et lorsque cela est possible, je fais des quarts de travail supplémentaires. Je finis par faire généralement plus de 40 heures par semaine.

Décrivez votre emploi au Manitoba.

Je suis travailleur de soutien auprès des itinérants dans le cadre d’un projet de soutien aux sans-abri, aux consommateurs de drogues, à ceux qui souffrent de maladies mentales, etc. Cela résume les conditions des personnes en situation sociale difficile.

Je travaille dans une camionnette avec une autre personne et nous nous partageons la gestion et le soutien aux personnes en situation d’itinérance. Nous conduisons la camionnette dans les rues de la ville et nous visitons les endroits où nous savons que nous allons pouvoir trouver notre clientèle. Nous tentons de répondre aux besoins essentiels en fournissant des manteaux, des chaussures et des couvertures pour protéger du froid, des sandwichs, de l'eau, car même lorsqu’il fait froid, une personne peut souffrir de déshydratation. Nous travaillons également à l’amélioration de la qualité de vie par des interventions axées sur l’adoption de pratiques sécuritaires dans le cas des consommateurs de drogues par injection, sur l’adoption d’habitudes de vie plus saines (hygiène, alimentation, etc.). Nous contribuons à la compilation de statistiques par la saisie des données sur le terrain.  

Quel est le lien entre votre emploi dans votre pays et celui que vous occupez maintenant?

Mon travail à titre de psychiatre au Brésil m’avait amené à traiter des patients toxicomanes, mais il s’agissait d'un traitement médical. J’ai effectué mon travail dans mon cabinet privé ainsi que dans un hôpital psychiatrique en tant que psychiatre en chef. On est loin de la camionnette! 

J’ai aussi été fonctionnaire pour le gouvernement fédéral, dans un organisme appelé l'Institut national de la sécurité sociale. Mon rôle à l’institut était essentiellement d'évaluer si la maladie ou l'accident subi par le patient l'avait vraiment rendu incapable de travailler. Après un certain temps, le patient est parfois complètement ou suffisamment rétabli de cette maladie ou de cet accident pour reprendre son travail. Mais parfois aussi, certaines séquelles l’obligent à se tourner vers un autre travail ou un autre métier adapté à sa nouvelle condition.

Qu’est-ce qui vous a motivé à changer d’emploi?

Il y a certaines professions ici au Canada pour lesquelles il faut faire reconnaître nos titres de compétences étrangers. C’est le cas de ma profession et c'est un processus long, fastidieux et assez coûteux. Parmi les coûts, il y a l’ÉDÉ (environ 200 $), les tests de compétences linguistiques, deux examens de médecine… et dans la grande majorité des cas on doit retourner à l’université pour adapter ses connaissances au modèle canadien. Ensuite, nous sommes souvent envoyés dans les régions rurales pour combler la pénurie. Tout ce processus d’acceptation par le Collège des chirurgiens et médecins prend plusieurs années. En me renseignant, j’ai appris que je pouvais exercer une profession similaire sans passer par tout ça et c’est pourquoi je n’ai pas commencé ce processus. 

Êtes-vous au courant des ressources offertes par la province du Manitoba et la ville de Winnipeg aux nouveaux arrivants?

Dès mon arrivée ici au Manitoba en 2016, je suis allée à Manitoba Start, une excellente organisation à but non lucratif qui offre divers services gratuits aux immigrants afin de les aider dans leur transition et leur permettre une intégration réussie. J'y ai suivi un cours et une conseillère professionnelle m'a interviewé pour mieux me connaître. Lorsqu’elle a appris que mon objectif de carrière était d'être médecin ici au Canada, elle m’a informé que je pouvais exercer une profession très similaire, celle de psychothérapeute certifié. Alors c'est pour ça qu'aujourd'hui je n'ai plus envie de passer par tout ce processus juste pour être médecin, je peux exercer un métier qui me plaît sans forcément être médecin. Chez Manitoba Start, j’ai pris connaissance des outils qui m’ont aidé à m’adapter au marché du travail et j’ai ainsi pu obtenir un emploi.

En plus de Manitoba Start, avez-vous visité d'autres centres d'appui pour les immigrants?

Oui, j'ai connu aussi l'OFE (Opportunities for Employment) et l’Immigrant Centre.

Comment avez-vous trouvé votre emploi au Manitoba?

Lorsque je terminais mes études au Red River College et qu’il me restait à faire un stage, j'ai envoyé mon CV à plus de 110 entreprises qui offraient des postes, et j'ai obtenu mon emploi parmi ce lot.

Est-ce que vous êtes satisfait de l’emploi que vous avez maintenant?

Oui, j’en suis très satisfait. J'ai d'excellents collègues de travail et je m'entends bien avec tout le monde. 

 

Alors même si vous étiez médecin au Brésil et que vous avez une maîtrise et un niveau de doctorat reconnu au Canada, vous avez dû suivre une autre formation?

Oui, car cela rendait mon immigration plus atteignable en m’accordant des points supplémentaires⁴. À 45 ans, et considéré comme une personne « âgée » selon les normes gouvernementales d’immigration, mes chances n’étaient pas très élevées.

Mot de la fin de Paulo

Je voudrais vous remercier de m'avoir donné l'opportunité de partager mon expérience avec plusieurs personnes qui peuvent être dans la même situation que moi et d'autres personnes qui ne sont pas dans la situation des immigrants, car elles sont nées ici au Canada. 
 

¹ Kennedy et Chen (2012)

² Évaluation des diplômes d’études (EDE), canadavisa.com

³ Catégories : employé à temps plein; employé à temps partiel; étudiant; autre

⁴ Système de classement global (SCG) : immigrants qualifiés, Gouvernement du Canada

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